La vie de l’abbé Outhier

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concernant les ordinations de plusieurs années. De toute façon, l’archevêque de Besançon était alors René de Mornay, en office en 1717–21, mais il n’était pas physiquement présent à la ville de son siège. Pendant la vacance du siège en 1721–24, la direction spirituelle du diocèse fut assurée par François Gaspard de Grammon-Chatillon, neveu de l’archevêque antérieur François-Joseph de Grammont (en office en 1698–1717), tandis que l’administration en fut confiée à François de Bliterswick de Moncley, vicaire général et supérieur du séminaire (futur archevêque en 1732–34). C’est peut-être ce dernier qui a ordonné Outhier. Le successeur immédiat de René de Mornay fut Honoré de Grimaldi, archevêque de Besançon en 1724–31. (Jacquemet 1864, Surugue 1930)

 

11 L'église de Montain est mentionnée en 1089 dans une Bulle du Pape Urbain II confirmant  les possessions de l’abbaye de Baume, sous le nom d’ « Ecclesia Montis Huyn ». Bâtie sur un pic isolé, l’église domine la paroisse et la région environnante. Son clocher constitue un véritable observatoire d’où, par les nuits transparentes du Jura, notre futur astronome a pu contempler le ciel. La sacristie est construite en 1694, le clocher actuel en 1704. Sont entreprises en 1708, « les démarches pour pouvoir construire, au flanc de l’église, une chapelle, parce que l’église est encore trop petite, malgré son agrandissement », et pour y placer l’autel du rosaire qui « ôte le jour sur le chœur et sur le pupitre et ne fait aucune symétrie ». La patène et la coupe de calice en argent doré sont du début du XVIIIe siècle ; il y a l’inscription « Cl. Chevillard ».

12 Six lettres d’Outhier sont incluses dans la correspondance de Pierre Louis Moreau de Maupertuis aux archives de l’Académie des Sciences (Outhier 1746–53). Une lettre d’Outhier à l’astronome Le Monnier se trouve à la bibliothèque de l’Observatoire de Paris (Outhier 1747).

13 Jean-Baptiste Cattin (1697–1767), franc-comtois comme Outhier, fut un maître horloger « d’une ingéniosité exceptionnelle » qui vécut à Fort-du-Plasne. Ses enfants ont porté le nom de Cattini, que l’un d’eux avait pris en Pologne où il était secrétaire privé du roi. Plusieurs de ses descendants ont continué le métier de l’horlogerie. Le bourg de Fort-du-Plasne, situé dans une combe jurassienne à 900 mètres d’altitude – entre Morez au Sud et Champagnole au Nord – appartient à la région marquée par l’horlogerie jusqu’à nos jours. (Calvin 2001) – Un autre inspirateur de l’abbé Outhier a pu être l’abbé Jacques-Joseph Tournier (1690–1769), né à Saint-Claude, ordonné à Besançon en 1718, qui avait également proposé un globe mouvant à l’Académie des Sciences mais dont le travail avait été refusé parce qu’il ne maîtrisait pas le langage savant pour bien le présenter. Les deux postulants ont dû se connaître au séminaire. Passionné d’astronomie, Tournier conçut un système qui prétendait réconcilier les difficultés de ceux de Copernic et de Tycho Brahé et qu’il tenta d’expliquer dans un ouvrage d’astronomie resté inachevé. Son élève Antide Janvier (1751–1835) réalisa une sphère mouvante qu’il présenta en mai 1768 à l’Académie de Besançon et finit par devenir horloger du roi Louis XVI.

14 Né fils cadet du duc de Chevreuse, pair de France, Paul d’Albert de Luynes (1703–88) se destinait d’abord au métier des armes. Mais, gravement insulté par un officier, il refusa de se battre en duel, quitta une profession peu en harmonie avec les sentiments de douceur qui l’animaient et eut la révélation de sa vocation ecclésiastique. Évêque de Bayeux (1729–53) puis archevêque de Sens (1753–88), il fut créé cardinal par Benoit XIV en 1756. Il était Primat des Gaules et de Germanie, commandeur de l’Ordre du Saint-Esprit, etc. Il fut élu à l’Académie française en 1743 en remplacement du cardinal Fleury ; grâce à l’intervention royale et le combat mené par le parti religieux, il avait été préféré à Voltaire. Son élection eut lieu la même année que celle de Maupertuis mais il fut nommé avant lui, le 28 mars et reçu le 16 mai. Astronome et physicien, il devint également membre de l’Académie des Sciences en 1755. Il réalisa plusieurs observations astronomiques importantes, à Sens, à Noslon, à Fontainebleau et dans son hôtel de Versailles. Elles furent transcrites dans les recueils de l’Académie des Sciences entre 1761 et 1773. Il publia également un mémoire sur les propriétés du mercure dans les baromètres (1768). On trouve encore de lui la description d’un anneau astronomique de son invention, dans la gnomonique de Dom Bedos (Quérard 1834 : La France littéraire, tome V, pp. 398–399). Il était également, depuis 1731, Protecteur de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-lettres de Caen qu’il avait réorganisé sous son autorité jalouse. Outhier, son secrétaire, n’y bénéficia pas d’un titre de complaisance. Il était bien à sa place dans cette académie animée d’une ardeur nouvelle qui comptait plusieurs autres prêtres-savants, professeurs de mathématiques et d’hydgrographie dans les collèges de la ville, passionnés d’astronomie etc. (Martin 1987, pp. 20–21) Politiquement, de Luynes était un protecteur des « feuillants », les antijansénistes modérés. On lui attribue également une lettre écrite au Saint Père, en 1764, en faveur des jésuites et de Christophe de Beaumont, l’archevêque de Paris connu comme l’instigateur des « billets de confession ». – On doit à son frère aîné Charles-Philippe d’Albert, duc de Luynes (1695–1758), la chronique Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV (1735–1758). Cet homme de Cour accompli fut un ami proche de Carl Fredrik Scheffer, l’envoyé brillant de la Suède à Paris (Wolff 2005, pp. 196–198). Scheffer avait rencontré Outhier à Stockholm ; le duc de Luynes le rencontra Paris en août en 1737. – Pour une vie du cardinal de Luynes, voir Vallery-Radot (1966).

15 Maupertuis appuya l’élection éclair du tout jeune astronome Le Monnier au poste d’adjoint géomètre de l’Académie contre la candidature de l’abbé Outhier qui avait sans doute plus de mérites. Par contre, c’est le comte de Maurepas qui désigna Outhier comme l’aumônier des « Messieurs du Nord » et lui fournit une chapelle de voyage, avec calice et patène, etc. Il en demanda l’autorisation auprès de l’évêque de Bayeux. Le frère de celui-ci, le duc de Luynes, disait d’Outhier : « C’est un homme aussi habile dans son genre qu’il est simple et vrai. Il est attaché à mon frère depuis quelques années et demeure avec lui. » Voir : Charles-Philippe de Luynes (1860), tome I, p. 330. Maupertuis confirme la vertu de l’abbé Outhier dans la préface de La Figure de la Terre, p. xv : « M. le comte de Maurepas nomma encore M. l’abbé Outhier, dont la capacité dans l’ouvrage que nous allions faire, était connue ».

16 Le roi accorda, le 12 avril 1737, une pension royale annuelle et viagère de 1000 livres

à Celsius et, le 1er novembre 1737, 1200 livres de pension à Maupertuis, 1000 livres à Clairaut, 600 livres à Camus et Le Monnier (Nordmann 1966, p. 93 ; source originale : « Registres du secrétaire de la maison du Roy », Archives nationales, O1/81, f° 376). Maupertuis, autant par hauteur que par délicatesse, refusa sa pension qu’il trouva trop modeste. Outré qu’on s’acquittât si chichement de l’aplatissement de la Terre, il écrivit une lettre insolente au cardinal Fleury en le remerciant de ses bontés et en le priant de faire repartir le montant sur ses assistants. Le comte de Maurepas, son protecteur à la Cour, lui demanda instamment d’accepter la pension et d’écrire une lettre d’excuses au Premier ministre. Maupertuis refusa et dit même à M. de Maurepas, dans un moment de vivacité, que le Cardinal pouvait donner cette pension à son propre valet de chambre, « qui avait aussi fait le voyage du Pôle et en était revenu malade ». (La Beaumelle 1856, pp. 53–54 ; Badinter 1999, p. 97)

17 Jean-Joseph Languet de Gergy (1677–1753) fut évêque de Soissons, aumônier de la Dauphine, puis archevêque de Sens depuis 1730 et Conseiller d’État depuis 1747. Élu à l’Académie française en 1721, il y exerça une influence très grande comme figure de proue du parti dévot contre celui des philosophes ; il combattit fougueusement les candidatures de Montesquieu (élu en 1728) et de Voltaire (élu en 1746).

 

18 L’article sur odomètre dans l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Diderot et D’Alembert.

 

19 La prébende du Locheur au diocèse de Bayeux était l’une des sept fondées en 1074 par l’évêque Eudes, frère de Guillaume le Conquérant. C’était une paroisse dont le chanoine était seigneur et patron collateur ; le curé qui, bien qu’ayant la charge des âmes, n’était en réalité que son vicaire perpétuel, recevait du chanoine une pension de 700 livres. Le Coutumier du chapitre de Bayeux, rédigé en 1269, dit qu’il avait séance au chœur et au chapitre du côté gauche et nous voyons en effet, dans l’acte de prise de possession de ce canonicat par l’abbé Outhier le 9 septembre 1748 que telles furent bien les places qu’on lui assigna avant qu’il reçut le baiser de paix.

 

20 Emprunté du bas latin idoneitas, « faculté, aptitude ». En droit canonique, l’aptitude d’une personne à recevoir un office ecclésiastique.

 

21 Plusieurs dates erronées et informations contradictoires de la mort de l’abbé Outhier circulent dans la littérature, y compris dans les meilleurs dictionnaires de biographies (par exemple : Vahtola 2006). Richard (1926, p. 141) donne la citation suivante des actes de la paroisse de Saint Patrice à Bayeux : « Le lundi 9 mai 1774 a été par nous, curé de Saint Patrice de Bayeux, inhumé dans la chapelle de la Sainte Vierge de l’église paroissiale dudit lieu, le corps de discrète personne Regnauld Outhier, prêtre, ancien chanoine de l’église cathédrale de cette ville, lequel, âgé d’environ quatre-vingts ans, décéda hier dans notre susdite paroisse, après avoir reçu l’extrême-onction. Ladite inhumation faite en présence de Messieurs Pierre du Castel, vicaire, Philippe la Brecque, prêtre, Michel Yver et Pierre Joret, custos, tous de cette paroisse, lesquels ont signé avec nous. – Signé : La Brecque, prêtre, Ducastel, vicaire, P. Joret, M. Yver, Hebert, curé de Saint Patrice. »

 

22 La chapelle de l’Immaculée Conception constitue le transept sud de l’église actuelle. L’église Saint Patrice ayant subi des dégâts importants lors des saccages sous la Révolution et ayant été reconstruite, les lieux des anciennes sépultures ne sont plus visibles.

23 Pour une histoire du Courrier d’Avignon, voir René Molinas : L’imprimerie, la librairie et la presse à Avignon au XVIIIe siècle (Grenoble : Presses Universitaires de Grenoble, 1974) et les articles par le même auteur dans Jean Sgard (dir.) : Dictionnaire des Journaux 1600–1789 (Paris : Universitas, pp. 272–275).

 

24 François Morénas (1702–74), publiciste né en Avignon, rédacteur en chef notamment du Courrier d’Avignon en 1733–42 et en 1750–68. Il entra, après avoir fini ses études, dans un régiment d’infanterie, puis se fit cordelier, obtint ensuite la dissolution de ses vœux et se lança au journalisme. Louis XVI, en conflit avec le Pape, s’étant emparé du Comtat Venaissin et d’Avignon en 1768, son journal fut supprimé mais il continua ses activités à Monaco où il mourut. Auteur de plusieurs ouvrages historiques à valeur variable, dont un Abrégé de l’Histoire ecclésiastique de Fleury (1750), très controversé à l’époque. On trouve son portrait au Musée Calvet d’Avignon.

 

25 Le Catalogue de la Bibliothèque de Monsieur le Comte Charles de L’Escalopien (1866, Paris : J.-F. Delion) date la « Dissertation » en 1760 mais il n’y a aucune justification.

 

26 Pour plus d’informations biographiques sur François La Bellonie (1720–50), voir l’article par Françoise Weil dans le Dictionnaire des Journalistes 1600–1789 (Oxford : Voltaire Foundation, 1999, col. 431–432). Né à Vichy, La Bellonie fut d’abord jésuite huit ou neuf ans. Après un séjour à Paris, il arriva dans le Comtat Venaissin au début de 1748 et séjourna environ quinze mois à Carpentras. Son pseudonyme fut Falconnet de la Bellonie. On ne connaît pas la date de son départ, mais il fut admis à l’hôpital d’Avignon le 2 janvier 1750.

 

27 Pour plus d’informations biographiques sur l’abbé de La Baume, voir l’article de Robert Granderoute dans Jean Sgard (dir.) : Dictionnaire des Journalistes 1600–1789 (Oxford : Voltaire Foundation, 1999, col. 430–431). Voltaire ne manqua pas d’ironiser l’auteur de La Christiade. Dans l’article « Marie Magdeleine » de ses Questions sur l’Encyclopédie (1770) il évoque les  « complaisances criminelles pour le Sauveur du monde » de la sainte pécheresse, un fait troublant qui fait toujours « dresser les cheveux à la tête de tout chrétien ». Quant à l’abbé de La Baume : « Je n’examine pas si la peinture que fait l’auteur des saints transports de Magdeleine n’est pas plus mondaine que dévote ; si les baisers donnés sont exprimés avec assez de retenue; si ces beaux cheveux blonds dont elle essuie les jambes de son héros ne ressemblent pas un peu trop à Trimalcion, qui à dîner s’essuyait les mains aux cheveux d’un jeune et bel esclave. » Voir aussi la lettre de Voltaire en date du 16 mars 1754 à la duchesse de Saxe-Gotha.

 

28 D’autres dictionnaires biographiques anciens ont repris, en d’autres termes, la même appréciation sur « abbé Outhier ». Citons par exemple l’article sur François Morénas dans M. le Dr Hoefer (dir.) : Nouvelle biographie générale (Paris : Firmin Didot, 1861, tome 36, col. 547–548) : Morénas choisit pour rédiger Le Courrier d’Avignon « l’abbé Labaume, puis l’abbé Outhier ; cette gazette, à peine remarquée jusqu’alors, jouit d’une certaine vogue grâce à ce dernier écrivain, qui avait, en dépit d’un style déclamatoire, de l’imagination et quelquefois des saillies ». Comme source, on donne Barjavel (1841).

29 La chronologie des éventuels rédacteurs en chef du Courrier d’Avignon demeure, en fait, peu claire. Selon Barjavel (1841), l’abbé de La Baume aurait travaillé « pendant plus de dix ans au Courrier avec Fr. Morénas jusqu’en 1751 ». D’autre part, d’après l’article de Françoise Weil sur François La Bellonie (1720–50) dans le Dictionnaire des Journalistes 1600–1789, La Bellonie « travailla au Courrier d’Avignon après que l’abbé de La Baume eût quitté cet ouvrage » (Bibliothèque Nationale, f.fr. 22158, f° 157) : une contradiction évidente avec Barjavel. Weil continue : « Selon la même source, La Belonie aurait habité successivement Avignon puis Carpentras, donc travaillé au Courrier peut-être avant 1748. » Censer (1994) et Moulinas (1991), par contre, situent l’activité éditoriale de La Bellonie au Courrier en 1749. 

 

30 Le Nouveau Larousse Illustré (1898–1907, tome VI, p. 584) se trompe aussi. Fait remarquable cependant : Les autres dictionnaires biographiques anciens les plus importants que nous avons utilisé, tels que Delandine (op. cit., 1822), Michaud (op. cit., 1843) ou Hoefer (op. cit., 1864), ne reprennent pas l’erreur de Quérard. Elle est absente aussi chez Gillispie (op. cit., 1974) et, comme nous avons déjà souligné, surtout chez Richard (1926) qui contient la seule enquête sérieuse jamais faite sur notre question aux archives diocésaines de Bayeux, aujourd’hui dispersées.

 

31 On trouve une discussion erronée de la « Dissertation » par exemple dans Desnoiresterres (1871, t. 4, p. 281), Harjunpää (1975, p. 81), Balland (1994, p. 265), etc. Tous ces auteurs ont calqué Quérard (op. cit., 1834) sans avoir lu la « Dissertation ». L’ouvrage est assez rare ; on trouve un exemplaire à la Bibliothèque nationale (Tolbiac), à la Bibliothèque municipale d’Avignon-Vaucluse (Médiathèque Ceccano), à la Bibliothèque de l’Université catholique de Lyon, à la médiathèque d’Albi et à la médiathèque d’Amiens. Nous avons pu confirmer que l’identité de l’auteur ne figure nulle part dans le texte imprimé dans aucun de ces exemplaires. Néanmoins, parfois, il a été ajouté au crayon, sans doute par un bibliothécaire sous l’influence de Quérard.

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