8. Entre Polio et BCG, la loterie du Mens Sana in Corpore Sano.


La santé était le souci capital concernant l’éducation des enfants. Les générations précédentes avaient été décimées par les guerres, la malnutrition et les épidémies dont la sinistre grippe espagnole contractée par les jeunes gens partis faire la guerre en Europe.

Lorsque j’ai une dizaine d’années d’autres épidémies courent dans les villes. Avant le H2N2 dite grippe asiatique (1957), puis la grippe de Hong Kong (1968) sévissaient la poliomyélite (Qui n’avait pas dans sa classe un camarade avec une jambe atrophiée et un squelette dramatiquement tordu ?... ), la diphtérie (angoisse de se réveiller avec le fameux voile au fond de gorge et de mourir asphyxié pendant son sommeil)...

Mais surtout la maudite tuberculose qui emportait tant de personnes depuis un siècle et plus.

Par bonheur, grâce à MM Pasteur et Koch, des frères ennemis, des campagnes de vaccination (avec de vrais vaccins) sont mises en place à l’école et à l’armée. Souvenir de ces séances scolaires où l’on se faisait scarifier le haut de l’épaule à la queue leu leu, le fameux BCG...

La vie est une loterie génétique...

On prend conscience du jeu de cartes dont on dispose aux alentours de 7 ans et jusqu’à l’adolescence : certains disposent de pas mal d’atouts, d’une poignée de rois, de reines et de cavaliers ; pendant que les autres cherchent en vain les cartes qui comptent et apprennent à jouer à ne pas perdre. Il y a les grands, les costauds, les bien-nés et les laissés-pour-compte dans la course à l’échalote. Ceux qui se retrouvent avec "le petit" et rien à côté pour le sauver : trop de piques et pas assez de cœurs, trop de carreaux mais pas de trèfles.

Côté santé, j’ai eu de la chance. Ma grand-mère maternelle, qui faisait des lessives dans des buanderies sans chauffage, avait eu la tuberculose et souffrait des poumons mais elle parvint à survivre. Mes arrière-grands-mères maternelles françaises avaient des rhumatismes déformants et la mère de maman un ulcère qui la transforma en une toute petite bonne femme..

Mon père était en bonne santé : taille moyenne mais épaules larges, sept litres de capacité thoraciques, mais des membres inférieurs ayant souffert du manque de protéine durant l’enfance. Maman était rarement malade. Mon oncle et ma tante en bonne santé. Tout ce beau monde allait vivre de longues années...

En sus d'une constitution de famille, j'eu la chance est de contracter tous les variants de la rhinopharyngite, de l’angine et des rhinites disponibles à l’époque. Une fois par an, au début de l’hiver, je végétais une semaine et plus foudroyé par la fièvre et les courbatures. Ah le temps du Viandox, des cataplasmes à la farine de moutarde, des thermogènes, des sirops pour la toux et des boules de gomme. vous vous souvenez les conscrites et les conscrits ?

Arriva l’adolescence et le moment où je mis un terme à cette campagne d’immunisation de masse personnelle. Du milieu des années 60 à nos jours, à l’exception d’une attaque d’oreillons au retour d’une année passée à enseigner, jouer au foot et faire le jacques dans les pubs des Midlands en galante compagnie, je n’ai plus eu une ligne de fièvre et j’ignore ce que grippe veut dire. Sans doute parce que Mithridate avait raison : c’est en s’imprégnant de poison à petite dose qu’on s’en préserve.

Le sport à haute dose m’apprit rapidement que j’avais des dons. De taille légèrement supérieure à la moyenne pour ma génération (1 m 76), j’étais tonique et infatigable. Sur un terrain de foot, clairement bradycardiaque (48/52 pulsation minutes à 17 ans), j’avais de la peine à me mettre en route mais une fois lancé personne ne pouvait plus me suivre sur un terrain. Au pont d’adorer les matchs avec prolongations où j’atteignais une forme d’exaltation enivrante et un taux d’endorphine pas ordinaire.

Cette insensibilité à la fatigue ne facilita pas ma carrière académique. Quand arriva la fin des années Collège, je m’entraînais pendant des heures à jongler et à tirer les coups francs dans notre pré. Je continuais à jouer dans la cour du Collège. Je jouais au rugby et je faisais de l’athlétisme en scolaire. Je participais à des tournois de sixte au printemps, Je jouais au volley aux Bains. Je me déplaçais à vélo et j’accompagnais des copains cyclistes dans leurs sorties d’entraînement. Quand je ne m'exerçais pas au tennis dans le parc réservé aux ingénieurs de chez Solvay. Tout cela quatre ou cinq heures par jour auxquelles il fallait ajouter ltrois entraînements hebdos et les matchs du dimanche avec les Minimes du FC Dole. Si j’ajoute que ma découverte du rock et de la culture pop me poussait à écouter la radio tard le soir, on peut dire que je dormais peu mais comme une masse. Au point que le semi remorque qui se fracassa sous mes fenêtres en traversant le village n’eut pas l’heur de me réveiller...

(A suivre)

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