DANS LA VILLE AUX MILLE COUPOLES
Le chihili se faufilait et jetait des langues de sable sous la porte. Du vent, toujours du vent, la saison des fous. Abou tournait et se retournait dans son lit, le muezzin allait tirer les fidèles du sommeil et la fourmilière humaine se remettrait en marche. Al-Ouadi-Souf : la « rivière de laine », un nom contaminé par Bab-el-Oued, le quartier des années de braise et de la discorde ; rien à voir avec cette oasis dans la houle de l’erg et sur la mer du temps.
Cette pensée n’était pas d’Abou. Le jeudi, il ne travaillait pas et Zohra resterait sous les hauts murs les paumes enduites de semoule. La maison : sa propreté d’écrin, la lutte contre la poussière, tout cela était son affaire, elle était la maîtresse du foyer.
Muezzin moins six. Agacé par l’extrême paresse de cette aube de mai, Abou bondit hors de son sommeil. Zohra frémit de crainte tandis que son époux s’engouffrait dans son jean, un cadeau de Jacques et Odile, leurs amis français.
Le café bouillait.
Satisfait de ne plus faire partie de ceux qui vivotaient à Nezla ou à Gahouatine, le faubourg des tentes, Abou ouvrit les volets. Dans le salon trônait la télévision. Au-dessus de la télévision, on le voyait en footballeur recevant une coupe, sosie de Mohamed-Ali devant la tour Eiffel.
Des Allah-oua-Akbar se répercutaient par-dessus les coupoles ensevelies. Les palmiers frissonnaient sous le vent et quelque djinn irrité vociférait tout tourbillons dehors dans les ruelles.
Abou méritait-il son bonheur ? Question sévère, car il y avait eu Paris et cinq années à l’usine, beaucoup de vin et le retour au pays des tracas, même si ses enfants ne couraient pas pieds nus dans les rues sablonneuses, même s’il gagnait sa vie.
Car Fi França Abou s’était fourvoyé, il avait eu maille à partir avec les autorités. Au pays on le savait cabochard mais on l’acceptait ; pourquoi eût-il échangé cette réputation de bourrique contre l’anonymat des Quatre Chemins à Nanterre ? Bien sûr il y avait les soucis que lui causait Zorah, une fille des Aurès à qui les Soufia ne pardonnaient rien - voleuse d’homme !
Abou est songeur. L’un dans l’autre, la vie ne lui avait pas fait de cadeaux, à lui, le fonctionnaire de la Société Hydraulique : une mère qui voulait le marier à tout prix, un père sorcier, une réputation de bourrique, un divorce, pas mal de rixes…
Abou reprit du café. Les enfants gambadaient à l’arrière de la villa, ils savaient à quoi s’en tenir, ne pas déranger le Père quand il prenait sa collation. Dans ces moments de perfection silencieuse, Abou adoptait le port des Shaâmba, ces princes bédouins dont il pensait descendre. Sous ses yeux, Zorah débarrassa le plateau argenté sur lequel restaient une cafetière et trois tranches de pain. Abou vit son épouse s’accroupir pour préparer lesroggag, ces crêpes de semoule à la base de la cuisine soufie. Rasséréné - il aimait avoir sa femme à l’œil - il arrosa ses chères plantations : les tomates seraient bientôt mûres.
Puis comme brûlé par une urgence, l’époux de Zorah s’empara d’un couffin et se précipita dans la rue.
Le déclic de la porte réchauffa son cœur : Zohra était une brave épouse.
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Mis à jour ( Dimanche, 05 Septembre 2021 16:20 )