983-84 – LE DIRECTEUR DE MJC LAISSE TOMBER L'ÉDUCATION SOI-DISANT POPULAIRE ET SE LANCE DANS LE SHOWBIZ ASSOCIATIF - LES RUSES DONT LE MORISI NOMADE ABUSE POUR DEVENIR L'ÉCRIVAIN QU'IL RÊVE D'ÊTRE. — LE LUX AVEC DR. FEELGOOD, ROCK À BESAC AVEC MARIO L. ET MANU C., LES CONCERTS FOLDINGUES DES FOX À POLIGNY ET DIJON ET LA RENCONTRE AVEC CHRISTIAN LAVENNE DANS LA COUR DU CLA 37 RUE MÉGEVAND...

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Non merci, M. Matock-Grabot, pour moi les MJ c'est fini, je ne veux plus travailler dans l'associatif, je n'ai pas la vocation du négociateur manipulateur, je ne serai pas le pansement sur la jambe de bois du socio-éducatif. À mon avis ce qu'il faut c'est une bonne révolution du peuple par le peuple. Matock en connaît un rayon sur les pathologies professionnelles du directeur de MJC – stress, duplicité, divorces, alcool, paranoïa. Je ne suis pas raisonnable, j'ai été sélectionné parmi des milliers, j'ai obtenu un diplôme et un poste qui vaut de l'or ; que je réfléchisse au moins, il peut me soutenir, j'ai commis des erreurs mais rien de grave. - Désolé Monsieur, répond le Morisi d'alors, je me lance dans l'organisation de spectacles : que voulez-vous, je suis un créatif pas un gestionnaire, plus anar que socio-communiste...

Celui qui écrit le comprend, j'étais devenu directeur de MJ pour apporter de l'eau au moulin du couple Mario Polo-capitaine aux yeux bleus (qui venait de réapparaître avec sa fille Eïko et son Delon...) : à présent je me sentais bridé aux entournures, j’avais besoin de temps pour écrire, pour expérimenter, pour vivre à ma manière.

L'argent ?

Pas un problème pour seize mois avec mes droits au chômage. - À condition d'anticiper, bien sûr. Je prends rendez-vous à l'ANPE, j'expose mon projet au préposé : remplir le vide qui existe à Besançon dans le secteur des spectacles jeunes, du rock, du raï, de la chanson française, du reggae, du jazz. Le tout-gris tout-fade me regarde avec de gros yeux incolores : vous étiez directeur, qualifié, bien payé l'avenir assuré et...

Le dossier que ses zigues-pâteux me prient de remplir fait cinquante pages. À mon crédit, les concerts de la MJ, l'aptitude à trouver des subsides, les connaissances en comptabilité-gestion et ce qu'on appelle un réseau, baptisé par les têtes-d’œuf "capital social".

Pendant que je change mon fusil d'épaule, le socialisme projeté façon Union de la gauche tourne en eau de boudin.

Mauroy, le prof du Technique de la région lilloise, est remplacé début 1984 par Laurent Fabius. Le changement dit tout, on passe du prof des faubourgs poou à la resserre aux Orfèvres. Fini les réformes du programme commun i En route pour la normalisation libérale qui conduira à Rocard et à Jospin, des social-démocrates aux socio-libéraux en somme. Résultât mi 198 : des mouvements étudiants, des grèves, le chômage, la baisse du pouvoir d’achat et la colère qui monte avec le F N qui radine.

 

Fin 1983, c'est le temps des marches antiracistes initiées à partir des banlieues : la naissance d'un syndrome français, l'intégration possible-impossible des enfants et des petits-enfants de la décolonisation ; les blessures récurrentes de la guerre d'Algérie ; la fracture judaïsme-islam-République avec pour toile de fond l'ambiguïté de SOS Racisme, le mouvement initié par Harlem Désir (désir d'Harlem ?), un leurre satellite du PS...

À Besac, après un été dont je n'ai aucun souvenir (un tour dans nos montagnes chez ma tante en Italie ? De la planche à voile chez Christian B, au Loutelet ? Du vélo ? Un mois de fête dans la maison louée par l'ami fraternel du côté de la Belle Etoile, les fêtes du CLA d'été ?) je me mets à l'ouvrage. Morisi et le showbiz, faut voir... ou alors une aporie, le showbiz à visage humain...

La mémoire a toujours des démêlés avec la chronologie. Ce que je sais 40 ans plus tard, c'est qu'il y a eu le baptême de l'assoce Caffier-Magnin-Ucciani-Morisi au Lux pour la venue de Feelgood. Premier pas réussi en termes d'assistance, pas au plan de l'entente cordiale, un des membres fondateurs, enfant gâté, insistant pour que l'envoyé de la SACEM ne puisse pas nous soumettre à la comptée.

Il y eut cette semaine hivernale je crois, où, grâce au secours éclairé de Manu Combi et de Mario Lontananza, les futurs Anatole, le Cylindre, la Rodia, nous mettons sur pied un mardi, mercredi, jeudi, week-end sur le principe du 5 francs par concert et une première partie pour débutants suivie d'une seconde partie pour formations confirmés ou pros. C’est décentralisé ça de passe à la cave du CLA, dans les bars pour finir au Lux avec Act (Trio new-wave de Dole), le Nawari reggae de notre Pach et Litfiba, appelé à devenir une légende de la pop-rock italienne...

Sacré succès, une dynamique du mardi au samedi et un banquet géant pour finir artistes et public confondus.

Je passe sur les expéditions des Fox. À Poligny à l'invitation de Promegel, et à Dijon où la performance de Michou, arrivé en bermuda-lunettes noires trente secondes après que Trinti', Mémèd et les autres ait balancé le premier morceau sans leur batteur, amuse Steve Hooker et ses Shakers, qui adoptent ces cousins rigolos et finissent par jouer avec eux.

La dynamique rock est enclenchée. La scène bisontine profite du journaliste TV opportuniste Caffier et de son émission ´Jeans'. De ses accointances avec les journalistes du Pays (Schnaeb) ou de l'Est (Govignaux). À France 3, il y a Michel Buzon, poète, auteur et chanteur lui-même. Luigi, le philosophe situ, fait dans l'agit-prop sous-marine. Claude Condé, le futur doyen de la fac de Lettres puis président de l'Université, apporte son patronage éclairé par la bande. On parle de Besançon entre Strasbourg et Lyon, la Ville joue le jeu, il y a le Bastion, pris en exemple dans l'hexagone du rock et bientôt "Besançon ville ouverte aux Jeunes". Ça pulse, mon dossier est prêt, je le soumets au préposé.

Je vis de mes ASSEDIC depuis une dizaine de mois quand m'arrive une convocation. Je n'aime pas les convocations, on me demande à Saint-Claude, au pied de la nouvelle institution Saint-Jean...

Je vois tout de suite qu'il y a un loup. Le préposé, un type qui ne retient pas la lumière, m'annonce que mon projet a été étudié et que, désolé, il y a problème. En effet, les articles de journaux, les déclarations à l’URSSAF, les budgets prévisionnels prouvent que j'ai occupé mon temps à travailler (au noir) en laissant de côté ma recherche d'emploi.

Je fusille le mec du regard et je lui dis, quoi, comment ? Vous m'encouragez à remplir un dossier, au lieu de me la couler douce je remue ciel et terre, faisant bosser des musiciens, des techniciens, des roadies, des transporteurs, des éclairagistes, des sonorisateurs, et lui et sa bande de planqués m'annoncent que...

Je tombe de ma chaise quand l'enfoiré me sert la suite. Il se pourrait que je doive rembourser les 10 mois d'allocations qu'on m'a alloués, ça n'est pas décidé mais ça se pourrait bien.

Ce que je dis au lugubre n'est pas à glisser dans toutes les oreilles, je débarrasse son bureau d'un coup de pied chassé et je l'envoie aux pelotes, c'est à dire chez les Grecs.

L'imminence de la suppression de mes ASSEDIC remet tout en cause. Si tout se passe aussi mal qu'il y paraissait, j'allais me retrouver sans le sou à la rentrée.

Par bonheur le tissu social, culturel, confraternel vole à mon secours. Michel Lacaille, qui a en charge l'animation culturelle du Centre linguistique appliquée, me propose de monter un programme de spectacles dans le cadre du stage international d'été, deux mois de vacation à un tarif plus qu'honnête, une bénédiction pour de sacrés moments dans la cave voutée du CLA: ombilic du peuple, ombilic du rock, ombilic du monde…

J’ai l’initiative et un budget. Je fais venir un groupe d'insolents parisiens dont la chanteuse allait faire carrière, un groupe d'acid-rock fameux en Allemagne : un été chaud comme il n'y en avait jamais eu à Besac, ville morte l'été. Avec en prime une rencontre qui changerait beaucoup de choses, celle avec le Petit Père des Peuples au CLA d’été.

Début septembre 1984, on peut dire qu'il y a une ´scène rock’ à Besac.

Sur mes feuilles volantes tachées ça donne :

« In la citta de Gynople, en un temps dont l'histoire n’a rien retenu, vivait un bateleur de ceux qui n’ont qu’un limonaire et un costume de scène. » — Vous avez dit bateleur ?

Mis à jour ( Samedi, 30 Novembre 2024 14:35 )