PREMIÈRE MOITIÉ 1983 – LORSQUE LA SCHIZOPHRÉNIE GAGNE LE MORISI D'ALORS QUI PASSE UNE ANNÉE SURVOLTÉE ENTRE PALENTE, LE CHEMIN DES LOUPS ET LA FIN DES MARIEMONTAGNES ; LA CONTROVERSE DE RADIO-PALENTE, L'INVASION DE LA "MAISON DE QUARTIER" PAR DES "GENS' DU CENTRE-VILLE ET LE CAS ÉPINEUX DE LA RÉNOVATION-EXTENSION DE LA MJC LA VIELLE DES ÉLECTIONS MUNICIPALES. PAR AILLEURS LA RENCONTRE AVEC BIZET, DANIEL, CHANTEUR-AUTEUR-COMPOSITEUR ET EX-MATADOR DE TAUREAUX...

1983, les espoirs suscités par les premières (grandes) mesures du socialisme façon Mitterrand commencent à poser des problèmes économiques. L'inflation est l'ennemie, les mesures ne seraient pas financées, la dette nous conduirait à la faillite, la faute à Mauroy et à l'idéologie dirigiste d'État qui prônait les nationalisations quand nos voisins, Thatcher et la Grande-Bretagne en tête, libéralisait, "libéraient’’ les énergies" et battaient en brèche l'État-Providence.

Début 83 on comprend que ça ne va pas être gai.

En trois mois meurent Louis de Funès, Tennessee Williams et Hergé, le papa de Tintin. À Palente, Morisi et son équipe mettent sur pied un Carnaval brésilien avec stage de "batucada", défilé en ville par moins 15 et une soirée Carnavalesque animée par les Marseillais de "Coco Verde", entrée gratuite pour ceux qui se présentaient à l'entrée avec un instrument de musique.

À la MJ, on notait la présence de "horsains" du centre-ville : ce qui inquiétait le "C.A.", indigènes garants des subventions qui étaient destinées "au quartier". Tant pis pour eux, les "mardis-ciné de Palente" organisées autour d'un film en v.o, un repas typique et des associations d’étrangers, drainaient pas mal de monde dont certains découvraient la maison.

Un après-midi de grisaille, un bonhomme tout en puissance et en rondeur

sollicite une entrevue avec le directeur ; la secrétaire fait barrage mais ne peut l'empêcher de fondre sur moi avec son étui de guitare. Il s'appelle Bizet, il vient d'arriver à Besançon dans les bagages de sa femme qui est enseignante et il veut rencontrer Lionel Patrick, le directeur du théâtre qu’il connaît bien puisqu'il a toréé un fauve nommé ´Carmen’ quand ce dernier était directeur des Arènes de Fréjus ! Un cd ? Pas de cd ! Le gars sort sa gratte classique : sa voix est profonde, ses paroles dignes de Ferré. On trouve une date sur le champ, le bureau fait la gueule.

Alors que les Fox étoffent notre répertoire ; que les nuits de nouba se multiplient ; que je découvre Radio Bip, la Péniche, Le CDN, le ton monte à la MJ pour cause de Radio libre, une lubie du directeur qui veut perpétuer la tradition de résistance des paroissiens de Palente. Des réunions ont lieu préparant un vote. On fait un appel à vocations, c'est une partie du centre-ville qui fait irruption au nez et à la barbe du bureau, on trouve la trace du matériel de Radio-Décibel, qui vient de mettre la clé sous la porte. Radio Bip et Radio Sud s'inquiètent, la MJC est puissante, elle a des moyens.

L'autre dossier qui inquiète les élus est celui du Festival "Jazz en Franche-Comté" piloté par la DRAC. Qu'avions-nous à voir avec le Jazz, se répétaient les membres du C.A ? Combien cela allait-il coûter ? Pas question de gaspiller des millions pour faire venir Cecil Taylor comme le CAC de Belfort. Materne de la Ville et Romanoni du FJT étaient bien gentils, c'était leur pré-carré, mais la MJ c'était le folk et la chanson, à la limite l'atelier rock pour blancs gamins des HLM...

Autre pomme de discorde, plus importante celle-là, l'extension rénovation des bâtiments. Manipulés par une élue à la tête d'un cabinet d'architecture, les élus de la MJ penchent pour une maîtrise d'œuvre privée alors que la municipalité pense confier les travaux à ses services. Le président et ses proches sint de l'avis qu'il faut profiter des élections municipales pour convaincre l'adjoint aux associations, un certain Jean-Louis Fousseret, le futur maire de la ville.

Autre bataille, celle qui se mit à opposer les élus à leurs personnels. Sentant que j'étais plus proche des animateurs que de l'administration, d’aucuns se mettent à harceler Patrick E. qui a le projet de faire venir "Carte de Séjour", le groupe symbole des quartiers fondé par Rachid Taha ; l’occasion selon lui de partager de la culture avec nos amis de Radio Sud : Hamid, Amor, Lazhar Hakkar, qui sont éducateurs, animateurs, futur cinéaste, médecin, avocat et leurs sœurs naturellement, qui ont fait de belles études. Avec la dette que Morisi estimait avoir envers El Oued et l'Algérie, inutile de préciser le côté vers lequel son cœur penchait...

Ces conflits finirent par pourrir l'atmosphère. J'étais devenu directeur de structure par défaut, pour faire bouillir la marmite à notre retour d'Algérie. Or ils m'insupportaient, les néo bourgeois cathos bien blancs, bien propres sur eux, la quintessence du ventre mou socialo qui allait préparer l'avènement de Macron et de ses réducteurs de service public.

Celui que je suis devenu - qui ne boit plus une goutte d'alcool depuis le 18 août 2012 - le reconnaît. J’étais à deux doigts de sauter du vélo. Pas évident d’ètre manager d'un groupe de rock, de faire les 400 coups, de jouer les anars tout en cirant les pompes au conseil général, au conseil régional, à la DRAC ou à la CAF…

Il y aurait un Bottin à remplir avec les souvenirs contradictoires de cette période-là : des moments de fraternité joyeuse avec la bande des rockers, les soirées mézés-taboulé chez Pedro et Evelyne. Des apéros confidence avec Claude Condé qui serait bientôt le doyen de la fac. Des matchs de foot avec les potes de l'Escale qui se démenaient pour exister et s'émanciper...

Côté libido, on nageait dans l’approximatif et le douteux. Ayant dépassé la trentaine (et pris du poids), j’étais à présent classé denrée de seconde main, dans la mesure où les chouettes gamines qui rôdaient autour de mes amis musiciens avaient mieux que moi à se mettre sous la dent. Restaient les anciennes, les séparées, les divorcées, les un peu perdues.r

La vérité c’est que je vais mal, début 1983. Que j'attrape une saleté sexuellement transmissible, vite guérie, que je prends des cachetons sans ordonnance, que je fais des apnées du sommeil au point de tituber aux urgences un dimanche après-midi.

Des pensées suicidaires ? Pas avant de finir cet "Émirat du tourbillon" qui allait changer ma vie…

Mis à jour ( Lundi, 18 Novembre 2024 18:27 )