LES CHRONQUES SEPTUAGÉNAIRES - L - 38
Janvier-Mars 1976 – onze semaines de folie finnoise ou quand Barbe et Morisi défient la fatigue, le froid, la faim et le bon sens, sous le regard incrédule de Finnoises et de Finnois médusés... (1)
Figurez-vous une caméra installée sur une mäki (colline) entre Pori, un port de la côte occidentale de la Baltique, et Hämeenlinna, une ville marchande située sur la route de la capitale Helsinki. Tout au bout de la focale, deux points à peine mobiles englués dans la neige et dans le vent polaire. Tout autour, survolés par un drone, quelques-uns des 100 000 lacs que compte le pays, une infinité boisée, tout un monde de créatures peu fréquentables mais invisibles pour l’instant.
La nuit précédente, la traversée de la Baltique a été impressionnante, c’est en brisant la glace que le ferry emprunté par Barbe et Morisi est parvenu à Turku : capitale finlandaise du temps des Suédois, cité épiscopale et université de renom.
Passé l’enthousiasme de poser le pied sur une terra incognita, les deux insensés que nous sommes montons dans un train, l’idée étant de gagner Pori où j’ai fait la connaissance de gourgandines lors de mes voyages précédents, mais surtout Hameenlinna, où j’ai séjourné avec Hans et avec Roger.
Emmitouflés dans nos nippes, un bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles, nous ne sommes pas équipés pour une partie de trekking dans le grand nord.
Le train dans lequel nous montons n’aurait pas déparé dans un film d’anticipation, il est paralysé de torsades glacées, morve grise qui n’augure rien de bon.
C’est dans un roman russe du début du siècle passé que nous sommes tombés tandis que le jour qui vient de se lever déjà décline.
Barbe, dont seul le nez pelé par le grand air du Jura pointe, darde son regard bleu, l’air de dire : espèce de couillon, tu as vu dans quels draps tu nous as mis.
Le contrôleur passe, incrédule, il fait basculer son képi sur sa nuque, ne parle pas un mot d’anglais ni d’allemand.
Une mamie laponne, déguisée en poupée russe, sort ses mitaines de ses poches, les ôte et tranche un morceau de pain.
Tout le monde se tait dans le compartiment, les regards sont dirigés vers nous, dehors la neige et les sapins qui filent en noir et blanc, sifflement du vent, cahot des bogeys.
Pétard, il fait déjà noir. Crissements et claquements. Plainte lointaine…
Raconter notre voyage nécessiterait un volume. Nous passons trois jours à Pori, ville animée dont nous fréquentons les pubs, qui ne servent pas de boissons fortes, seulement des Olut, les bières locales, qui sont clasées de I à IV suivant leur degré d’alcool. Pour se remonter le moral, il y a les magasins de la Régie d’Etat, où les natifs font leurs courses avant d’aller en boite, où l'alcool distillé coûte un bras.
Pour de l’aventure, c’est de l’aventure. Barbe veut bien croire que j’ai deux copines quelque part mais il en doute. Bizarre, l’histoire de trouver un boulot et un logis pour éviter le service. Ne plus jamais revenir en France, vraiment ?
La température est basse mais pas insupportable pour les Jurassiens que nous sommes.
Côté fric, ça n'est pas Byzance. Barbe a des francs, des dollars et des chèques de voyage. J’ai du liquide et un chéquier de la Barclay’s. Pas de carte bancaire internationale, que des mandats postaux en cas de pépin.
Arrivé à Hameenlinna, je n’en mène pas large. Les filles à qui j’ai écrit n’ont pas donné signe de vie. J’appelle plusieurs fois le numéro qu’une d’entre elles m’a donné mais pip pip piiip....
Nous avons quitté Paris depuis deux semaines mais ne trouvant pas d'auberge à bon marché, nous optons pour un Emmaüs...
Il faut nous voir traîner la patte sur les trottoirs pris dans une croute de 50 cm de glace anthracite, sous le regard méfiant des autochtones qui nous prennent pour des romanichels.
Chacun dans notre genre, on n’est pas mal, le presque chauve et le brun chevelu. On sourit aux filles dans les bars, comme des crétins.
Dans l’un d’entre eux, nous faisons la connaissance d'Eija et d’Arya. Elles parlent quelques mots d’anglais, d’allemand, mais elles n’aiment pas le parler.. Promis, elles n’ont jamais vu de Français hormis deux frisés venus d’Afrique du Nord.
Chez les compagnons d’Emmaus rôdent de drôles de zigues. Christian est bilieux, il ne bouge plus qu’un muscle de son visage sur deux.
Je me rappelle alors d’un Tanssiravintola (restaurant dansant) où nous sommes allés plusieurs fois avec Roger. Barbe tire la gueule : un restaurant dansant ! Ca va nous coûter combien, il lui reste l’équivalent de 100 francs en finnmarks. Et à moi la moitié...
Barbe n’est pas un mou, il tape du talon au risque de se payer un vol plané sur le trottoir glacé et me dit : 'Tu veux jouer les Kerouac et les Miller, eh bien tapis ! On joue notre dernière chance à quitte ou double ! Si ça foire, on se fait envoyer des mandats."
Je nous revois traverser la rue hérissée de congères : à force de glisser, de riper, de déraper on a l’air complètement beurrés.
C’est un coup de chance mais le géant en costard qui monte la garde devant la porte pointe son doigt au niveau de mon nez et dit me reconnaître. On nous débarrasse de nos nippes (avec circonspection) et o, nous conduit à une table. Une serveuse, gironde et couperosée avec des nattes blond paille à la Heidi, prend notre commande. Je fais le gars qui sait le finnois, deux entrées, deux plats de résistances, deux bières et on verra après. Autant dire qu'on a plus un rond.
Nous sommes là à sourire bêtement et à trinquer à distance avec les gens qui se paient notre tête quand le miracle se produit. On entend un ‘Mario ! Mario ! It’s you ?' Et une crevette prise de boisson se jette à mon cou et m’apprend... qu’elle se marie ! Oh pas un mariage d’amour, un mariage pour permettre à un exilé politique syrien, ou irakien ou iranien d’échapper au dictateur qui en a après lui : 'Venez, venez, nous sommes dans la grande salle derrière."
Christian avait entendu parlé de Farfu, ma divinité tutélaire, un dieu de seconde zone qui aime faire des crocs-en-jambe à ses infidèles mais les sort d’affaires au dernier moment, eh bien il faisait la preuve de son existence !
La soirée est joyeuse, la fête bat sonplein. Le mari se prend d’amitié pour Barbe avec qui ils échangent en anglais pantomimatique. L’épouse m’assoit à côté d’elle et me présente à une Polonaise dont le commerce n'est que trop évident. Nous chantons, nous dansons, nous échangeons de chastes baisers sans se poser la question du qui paiera les pots descendus et les pots cassés.
Donne ’heure de la relève des carrosses par les citrouilles. La Polonaise m’a à la bonne, mais surtout Christian sur qui elle jette son dévolu. J'en profite pour jouer carte sur table : " Nous nous sommes fait dévaliser sur le ferry, nous dormons chez Emmaüs." Cela remplit la coquine d’enthousiasme, elle a une datcha à la limite des faubourgs, une baraque dotée d’un grand lit et d'un gros poêle.
La nuit qui suit tient du burlesque. Ayant retrouvé Eija (une blonde de type scandinave, fille de famille) et Arya, (une brune au visage presque asiatique), nous investissonsvnos derniers deniers en fromage et en vin rouge dans le but évident de nous réchauffer ensemble, vu que le thermomètre extérieur indique moins 25°C.
Couchés à quatre dans un lit à deux places, nous avons du mal à coexister. Disons que la question du placement et du replacement des mains, des cuisses et des bras est problématique.
Les filles sont sympas. Elles nous invitent à prendre un sauna chez leurs parents. Pas du luxe, notre dernière douche remonte à Stockholm.
Pour la grosse commission, il y a une cabinet sur pilotis à trois trous dans la cour.
Uriner est un souci. Il fait si froid que la stalagmite créée par le pissat monte à une vitesse fulgurante et menace derechef le méat du malheureux qui ne le rétracte pas assez vite.
Le jour, nous regardons les JO d'hiver à la télé enseveli sous une montagne de couvertures et de vêtements. Barbe a le nez gelé et de la vapeur monte du lit, on n’ose plus bouger.
C’est la littérature et le sport qui me sauvent. J’ai apporté un Don Quixote en anglais et les Frères Karamazov. Je les déguste alternativement, prenant des notes sur la table de la cuisine quand les filles ont apporté de quoi nous chauffer.
Ma condition physique m'est d'un grand secours, je me rends tous les deux jours à l’office postal à sept ou huit kilomètres de là, pas rien par moins 28°C.
Les mandats tardent mais le moral tient. D'autant qu'arrive la nuit de toutes les rigolades.
Ayant expliqué à notre Polonaise (elle arrivait tous les soirs avec du vin) que je cherchais un endroit où refaire ma vie, elle éclate de rire. Il se trouve qu'elle a un copain pizzaiolo qui cherche toujours du monde. Pour le loyer, si je suis juste, on pourra s’arranger, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas sur moi que la diablesse a des vues mais sur Barbe que sa blonde a laissé en carafe.
Un soir où nous avons bu et fumé, la Polonaise en rut étale Christian et se déshabille. Déjà à l'oeuvre sous les draps, Arya et moi leur faisons une place. Jamais eu l’occasion d’assister à une tentative de viol aux premières loges. Attention ! Notre moniteur de voile (1m65 pour 60 kilos), habitué à faire du trapèze sur un voilier, se défend vaillamment ! Il compte sur l'inertie, il la joue à l’usure, à l’étouffé. La gaillarde a le souffle court, elle ahane, elle pouffe, son ardeur est mise à dure épreuve, alors elle s’effondre, est avalée par le coma.
Arya et moi sommes éveillés. Ayant attendu que passe la tornade, nous échangeons toutes sortes de caresses et puisqu’il ne faut faire ni bruit ni mouvements qui réveilleraient la mangeuse d’hommes, nous nous soufflons à l’oreille un jeu, celui du premier qui jouit à perdu. Un délice, vous devriez essayer. Chaque effleurement est une agonie, chaque spasme naissant un doux supplice. J’ai mes techniques de respiration et mes ruses d’évitement mental (j'essaie de me rappeler le théorème d'Archimède ou la liste des vainqueurs du tour de France) mais rien ne peut contre un certain attouchement. Arya a gégné, Arya est trop forte.
Sauf que... le désir grandissant quand l’effet se recule, elle est emportée à son tour par un orgasme à répétition qui terrorise Barbe… qui l’insulte, qui nous insulte, bordille ! on va réveiller la gorgone, et s'il refuse, elle risque de nous virer !
Nous sommes à la merci de la Polonaise depuis une dizaine de jours quand arrivent nos mandats à l’office postal. J’ai un tête à tête avec notte logeuse qui est une bonne personne. Elle a parlé de moi à son Italien, il sera ravi de m’aider. Pour le dodo, je n’aurais qu’à être gentil quand elle me le demandera, pas de question d’argent entre nous.
La veille de notre départ se produit un épisode gouleyant Occupé à tisonner le poêle de l’entrée, Barbichou voit arriver une dizaine d’indigènes excités cornaqués par un Pasteur blafard. Nu sous son manteau de poil, Barbe se protège des regards mais ne peut rien contre la vague qui se rue contre la porte de la chambre où Arya me grimper joliment . 'Regardez le Mustalainen, il fornique nos filles ! " C'est Arya qui traduit en plongeant sous une montagne de draps et de couvertures. Je m’enveloppe quant à moi dans un plaid sans parvenir à dissimuler ma virilité triomphante au regard de l'envahisseur. Mustalainen, ça veut dire les gens qui ont a peau sombre, les bohémiens, les romanichels...
Sur le coup l’infirmier psy Christian B. est parfait, il sort nos passeports, les fait tourner et explique que nous sommes journalistes et que nous faisons un reportage pour un magazine français.
Les villageois y croient peut-être. Ils quittent les lieux, ce qui permet à Arya de reprendre nos exercices là où ils s’étaient arrêtés"
Helsinki 75 ou quand le roadmovie rabelaisien tourne en eau de boudin glacé et que les héros manquent faire une triste fin avant d’être sauvés par un ballon qui rebondit.
Les spécialistes de la vie quotidienne de Cosa Nostra vous le diront, la routine des soldats de la mafia est un enfer d’attente et d’ennui où les tueurs à gage et les nettoyeurs tuent le temps un clope au bec dans la rue pour dépister les mouchards placés sous le billard par le FBI ou la police d’Etat.
Il en est de même pour les Don Mario et les Sancho Barbe lorsqu’ils quittent un refuge pour prendre la route le pouce tendu. Lorsqu’ils crapahutent sur les rebords glacés de la route qui mène à la capitale. Lorsqu’ils attendent un quart d’heure avant de voir passer un véhicule
Un soir, ça tourne mal. Ils se sont éloignés d’une ville pétrifiée dans la bourrasque sans croiser un chrétien : il fait froid, très froid et Barbe ne se sent pas bien. Je l’encourage, le stimule, l’engueule, le réconforte. On va bien tomber sur un village, sur une maison. Sur une âme charitable.
Thelma et Louise ne trouvent pas de refuge, pas de datcha, pas de Polonaise secourable… Ils font juste un pas après l'autre, en gueulant.
Avancer entre les congères et la chaussée patinoire n’est pas une partie de plaisir. Barbe veut qu’on s’arrête. Je le lui interdis, je le vexe, je fais appel à sa fierté ; il est un rugueux, un Jurassien à moustache.
On n’est pas dans l’hyperbole : j'ai ma tenue de traducteur à Heathrow et l’hypothermie me guette. Le vent descendu du Pôle nous découpe, on ne sent plus nos pieds, nos cuisses se vident, que dire de nos poumons…
La Providence vient à notre secours sous la forme d’une baraque en contrebas d’un vallon. Elle est pleine de planches et de pelles, de piques, de pioches et de râteaux. Nous fermons la porte derrière nous.
On ne va pas passer la meilleure nuit de l’année.
Moniteur pragmatique Barbe m’indique la marche à suivre, on va joindre les fermetures éclair de nos sacs de couchage, et les cafir de vêtements pour interdire aux courants d’air de nous torturer pendant notre sommeil.
La stratagème marche à peu près. Bon, se coltiner l’haleine et les coups de coude d’un mec qui claque des dents n’est pas la panacée. Surtout quand on sent dans son dos le tranchant d’une bêche. Nous avons de la chance, le thérmomètre n’indique que moins 15 aux aurores.
C’est le passage d’une déneigeuse qui nous réveille. On a dormi par séquences d’un quart d’heure à peine. Impossible de traîner au lit.
Dur de se rhabiller. Seule consolation : la symphonie mauve et rose du petit matin et la fumée qui s’élève d’un chalet. Un homme et une femme en sortent, marchent vers nous et nous demandent si nous sommes un peu fous en anglais. Des profs. Nous préparent un petit-déjeuner royal mais ne peuvent pas nous avancer vers Helsinki, ils doivent amener leurs enfants à l’école.
Nous faisons contre mauvaise fortune bon coeur, la vérité c’est que le trip de Sal et Dean tourne au fiasco.
Les expéditions sont comme les grèves, il faut savoir les finir.
Je n’ai plus en tête le détail de notre arrivée à Helsinki, si ce n’est un journal à la gare routière qui parlait des accords prévus entre l’Union Soviétique et les Alliés pour un nouveau statut de la Finlande, nation déchirée entre les deux blocs.
Je me souviens de la joie qui s’empare de nous quand la guichetière de la Grande Poste confirme que deux mandats sont bien arrivés à notre nom. Barbe sort ses papiers d’une bourse en cuir, je mets un quart d’heure pour retrouver les miens.
Helsinki a des allures russes, ses toits de cuivre vert, la grande église orthodoxe, le marché zux poissons donnent l’impression d’être à Venise ou à Istanbul.
La patrie de Sibelius, Alvaar Alto et de Paasilinna, qui publie le Lièvre de Vatanen, n’est pas le pays ultramoderne du Millenium. Nokia n’a pas breveté ses téléphones portables et el le Finlandais s’accroche à ses champions de ski et d’athlétisme pour exister. Mon dieu, les clochards éméchés qui nous tendaient leur thermos de thé à l’aquavit, ce vagabond hérissé tombé raide à cinquante centimètres des rails du tramway ; ce dancing de jour où je prends des notes évoquant les ‘houmalaoutas hurleurs et les alouates trébuchants qui nous encerclent et nous demandent ce que nous cherchons dans leur enfer.’
On nous indique l’existence d’un centre sportif qui propose des hébergements à bas prix, ça se trouve à une quinzaine de kilomètres de la gare centrale.
Affaiblis par les nuits inconfortables et la fringale, nous nous calons dans le bus.
Le chauffeur est sympa, il nous arrête entre deux stations, nous coupons par un sentier, croisons des raquettes qui nous regardent de travers.
On ne nous demande pas de payer et ça tombe bien : heureux de pouvoir manger et boire notre saoul, nous avons craqué la moitié de nos mandats.
Un dame âgée nous montre nos appartements, un dortoir de quatre sommiers militaires. La salle de sport est au rez-de-chaussée au bas de l’escalier. A droite, il y a la cafeteria.
Tout est fade, gris, intensément silencieux. Je laisse Barbe s’installer et je fais le tour du bâtiment. Les nanas que je croise ne me calculent pas, ne me voient pas, ne répondent pas à mes ´Hyvää Huomenta’.
Notre séjour est vide de sens, nous attendons l’arrivée de deux mandats, c’est tout.
Barbe dort la plupart du temps, il a puisé dans le peu de matière grasse dont il dispose.
Je me suis installé dans une salle de réunion et je relis Don Quichotte en anglais, la deuxième partie. celle où la Quête de l’ingénieux hidalgo tourne au désastre.
Impossible de joindre la Poste au téléphone, personne ne nous comprend.
Un matin c’est moi qui prend le bus et revient bredouille.
On vit de café et de morceaux de pain empruntés à la cafeteria. Barbe tient à peine debout.
J’ai une idée, Je pique deux rouleaux de papier hygiénique et je me lance un défi : écrire 24 heures non stop. Qui dort dine, une journée gagnée pour permettre à nos mandats d’arriver.
Je fais ce que je dis. Je remplis une bouteille d’eau.Je déroule un rouleau de PQ et me lance dans un texte à bâton rompu, marabout de ficelle nourri par des souvenirs : Anette, mon père, Jane, Hans, Ginsberg, Rivera, Juge Jennings, les Pieds Nickelés, ad lib.
Je tiens 20 heures.
Ivre de fatigue, tremblant, je regagne ma paillasse. Barbe, qui est pâle comme un linge, me pose une question que je ne décode pas.
Alors que je me débats dans un demi sommeil, le claquement d’un ballon qu’on frappe contre un mur et qui rebondit me force à ouvrir les yeux. Je tends l’oreille : c’est certain, des gars se préparent à taper un foot.
Je ignore d’où me vient la force mais je les rejoins, j’ai envie de leur montrer, de jongler, de dribbler, d’oublier cette fadaise de l’écrivain sur la route, du perdant magnifique en quête de reconnaissance.
Me voyant mendier le droit de taper dans la balle, un rouquin me tend un maillot et le prodige s’avère : je reçois mon amie de toujours, celle que je voulais faire rentrer dans ma peau, je la caresse, je la chateoie, je la rétrote, je la couve : poitrine, flick, contrôle en porte-manteau suivi d’un dribble derrière la jambe d’appui, passe du talon, patate de volée sur le poteau !m Osanna ! : On me tape dans la main, on me congratule, je suis un pro, ma parole, qu’est-ce que je fais en zonard dans cette salle de sport ?
L’extase ne dure pas. La tête me tourne et je tourne de l’oeil. Comment, moi et mon ami ne mangeons pas depuis trois jours ! Mais les Finlandais ne sont pas des sauvages, allons voir à la cuisine... A ne pas y croire : deux gars montent chercher Barbe qui pleure quand on lui apprend qu’il va manger. Moi aussi, mais sans le montree : je suis un hidalgo rital et les Quichotte, même de Besac, ça ne chiale pas.
(A suivre)
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